Penser à ma relève…bof j’ai encore le temps !

Par Dany Caron

Combien de textes avez-vous vu passer sur votre bureau concernant la relève entrepreneuriale dans les derniers mois ??? Cinq, dix, quinze…vous ne les comptez plus !

En fait, si vous avez moins de 50 ans, vous vous dites probablement que vous avez amplement le temps d’y penser avant votre retraite. Et si vous avez entre 50 et 60 ans, vous êtes conscient que le moment va arriver un jour, mais vous repoussez ce moment en vous disant qu’en temps et lieu, vous trouverez bien quelqu’un à qui vendre votre entreprise…

Mais vendre quoi ?

Je vais vous raconter le contenu d’une discussion que j’ai eu il y a quelques mois avec un entrepreneur de la MRC de L’Érable lors d’une visite de routine.

L’entreprise agit comme sous-traitant pour d’autres donneurs d’ordres de la région, compte une dizaine d’employés, et je présume que l’entrepreneur a entre 55 et 60 ans. Sans l’offusquer sur son âge, je lui mentionne que je suis certain qu’il est encore bon pour une dizaine d’années dans l’entreprise, mais  je lui demande tout de même quand est-ce qu’il a l’intention de prendre sa retraite. Il me mentionne au même âge que son père, soit à 64 ans, donc dans 5 ans (je viens de comprendre qu’il a 59 ans). Je lui demande s’il a ciblé de la relève familiale ou autre et il me répond non. Je lui demande donc en toute confidentialité combien il pense vendre son entreprise en lui expliquant qu’en tant qu’entrepreneur, il n’a pas accumulé de rente du Québec et aucune assurance-emploi, donc son entreprise est en fait son fonds de pension. Il est naturellement d’accord avec moi sur ce sujet et il me répond qu’il pense vendre son entreprise autour de 500 000$ !

Je lui reviens donc sur ce montant en lui demandant les renseignements suivants :

* Avez-vous la propriété intellectuelle d’un produit ou procédé (brevet ou autre) : aucun, donc 0$;
* Valeur de l’achalandage, entente contractuelle qui me garantit que si le propriétaire n’est plus là, que la clientèle va suivre : aucun, donc 0$;
* Valeur du bâtiment : 100 000$ (croyez-moi, c’est très bien vendu);
* Valeur des équipements : 50 000$ (également le prix que je donnerais si je ne connaissais pas ça).

La valeur de la vente est donc de 150 000$ et non de 500 000$. Vous comprendrez que le visage de l’entrepreneur a changé et qu’il se demandait si je n’étais pas dans le champ avec mon analyse non scientifique. Je lui mentionne donc que même s’il était chanceux avec ses placements, et considérant que l’espérance de vie aujourd’hui est de 80 ans, vivre 15 ans avec un placement de 150 000$ relèverait du miracle s’il est actif le moindrement.

Après l’avoir brassé, et afin de ne pas le laisser dans une dépression profonde (j’exagère à peine), je lui ai demandé s’il voulait qu’on s’organise pour que son entreprise vaille 500 000$ dans 5 ans ! Eh bien, croyez-le ou non, j’attends toujours sa réponse !

Combien d’entrepreneurs réagissent ainsi pensez-vous? Beaucoup trop !

En fait, en tant qu’entrepreneur vous devez absolument vous demander et ce, peu importe si vous pensez vous retirer dans 1 an ou dans 10 ans, qu’est-ce que vous voulez faire de votre entreprise à votre retraite? Vous avez deux choix, la fermer ou la vendre, il n’y en a aucun autre.

Si votre choix est de la fermer, c’est que vous n’avez pas créé une entreprise, mais bien un emploi et vous ne considérez pas l’impact économique qu’aura cette fermeture sur la communauté et surtout, sur votre situation financière personnelle.

Si par contre votre choix est de la vendre, vous êtes-vous déjà posé les questions suivantes :

* Si quelqu’un vous présentait une entreprise telle que la vôtre, l’achèteriez-vous ?
* Si vous deviez vous absenter pour une période indéterminée (exemple plusieurs mois pour cause de maladie), est-ce que les opérations de l’entreprise continueraient?
* Est-ce que vous avez des contrats récurrents (entente contractuelle ou autre) avec vos clients ?
* Pour quelles raisons vos clients vous sont fidèles ? Pour la qualité de vos produits et services, pour vos prix ou parce qu’ils vous connaissent ?
* Est-ce que vous avez des certifications et/ou spécialisations qui vous distinguent de la compétition ?

Ces quelques points sont ceux qui ont une valeur monétaire aux yeux d’un futur acquéreur, car des actifs tels qu’un bâtiment et de la machinerie, ça peut se trouver n’importe où !

Maintenant combien de temps pensez-vous que ça prend pour faire en sorte que votre entreprise soit autonome sans que vous soyez dans l’opérationnel ? Est-ce que vous pensez que ça peut se faire sur une période d’un an ? Selon mon expérience, pour une grande majorité des entrepreneurs c’est un travail de plusieurs années. Et si ça se prépare sur plusieurs années, c’est parce que ça ne se limite pas qu’à trouver un repreneur au sein de votre famille, de votre entreprise ou à l’externe. En fait, préparer sa relève, ça signifie prendre le temps que ça prend pour faire en sorte que vous ayez quelque chose à vendre et à un bon prix pour vous !

N’oubliez jamais que votre décision a un impact direct sur votre fonds de pension !

Bonne retraite éventuelle !

Dany Caron
Commissaire industriel

4 commentaires

Commentaires

Lors du dernier Midi du CLD (4 avril), nous avons abordé ce sujet. Voici quelques notes que je vous partage en lien avec le billet de Dany :

- Malheureusement, 40 % des entrepreneurs considèrent qu'ils mettront la clé dans la porte, car ils ne croient pas à la relève de leur entreprise.
- L'impact économique est majeur : il faudra créer 10 nouvelles entreprises pour compenser chaque disparition.

Il faut commencer par laisser tomber la pensée magique : je vais vendre à mon fils ou, encore pire, je ne tomberai jamais malade! Il y a plusieurs intervenants capables de soutenir les entrepreneurs dans cette démarche, mais ça prend du COURAGE et du LEADERSHIP.

Bonjour Dany

Très intéressant ton blogue sur la relève ,
Il n`est pas facile de transférer ce que l`on a acquis avec l`expérience.

L'exemple fait réfléchir. Ce qu'il faut retenir c'est qu'un transfert d'entreprise ça se prépare et que cette préparation est un investissement pour l'entreprise, le cédant et le repreneur.

Bonjour Dany,

Excellent exemple pour la réflexion en transfert d'entreprise.